vendredi 24 octobre 2014

Le PASTEL et MONS

Le PASTEL et MONS



Qu’est-ce-que le pastel ?

     Le pastel (du latin « pasta » = pâte) est une plante de la famille des crucifères (comme le choux, le colza, le radis …). C’est une plante bisannuelle : la première année, elle produit des touffes de feuilles avec lesquelles on fabrique la fameuse teinture bleu-pastel, la deuxième année elle produit des fleurs de couleur jaune, puis des graines renfermant 30% d’une huile ayant des propriétés intéressantes en cosmétique. Les rares parcelles conservées la deuxième année pour la floraison étaient destinées à la production de semences.


     La culture de cette plante exigeait beaucoup de main d’oeuvre : nombreux sarclages pour éliminer les mauvaises herbes, puis de nombreux passages pour récolter les feuilles qui jaunissaient à la base de la plante. C’est avec ces feuilles « mûres » que l’on réalisait, après écrasement dans un moulin à roue en pierre, les coques de pastel ou cocagnes.


     C’est en Lauragais, dans le « triangle d’or » (Albi-Toulouse-Carcassonne), que cette culture trouva son plus fort développement et ceci pendant la période que l’on appellera « le siècle d’or » de 1463 à 1562. L’exportation de cette teinture fera la fortune de nombreux marchands toulousains (De Bernuy, Assezat, Lancefoc, …) permettant à plusieurs d’entre eux de construire de très beaux hôtels particuliers à Toulouse (hôtels que l’on peut encore visiter et admirer de nos jours). Fortune faîte, plusieurs accèderont à la fonction de capitoul. Certains appelèrent cette plante « l’or bleu du Lauragais ». C’est à ce « triangle d’or » que fut ainsi attribuée l’expression « pays de cocagne » encore utilisée aujourd’hui. Mais ne nous trompons pas, il semble que cette richesse ne concernait pas les petits paysans producteurs dont nombreux, s'étant endettés pour la culture de ce pastel, furent conduits à céder leurs terres aux riches marchands pour constituer de grands domaines.


Prés de chez nous :

     Une de ces familles de riches marchands fût les Lancefoc : six générations se succédèrent. Simon Lancefoc, se constitua, arpent par arpent, plusieurs grandes propriétés dans les environs de Toulouse. L’une d’entre elles se situait à Flourens, où existe encore aujourd’hui un domaine du même nom. Une partie de cette propriété se trouvait même sur Mons en bord de Seilhonne (arpentement de 1659, ADHG).



     Monsieur de Lancefoc pred audit lieu confront d auta de Gaudens midy Seilhonne bize et aquilon Consulat de Clairac contenant un arpant deux pugneres quatre boisseaux.1

     Parmi les localités de la région attestées comme lieux d’achat du pastel de 1515 à 1565 figurent entre autres Caraman, Lanta, Loubens, … mais aussi Mons2, Le Pin, Flourens, Drémil, Montauriol, …

     Le marché du pastel s’effondrera en 1561 suite à une abondante récolte de mauvaise qualité, à de nombreuses fraudes, aux guerres de religion et à l’arrivée de l’indigo.
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     Différents écrits mentionnent qu’il y avait à Mons plusieurs moulins pasteliers.

Le moulin pastelier du château de Mons :

     On peut appeler ce premier moulin « le moulin des Chartreux », situé dans les environs du vieux château de Mons, chemin de La Briqueterie, il dépendait de la seigneurie de Mons détenue par les Puybusque, ou les Maurand. Il est mentionné dans la reconnaissance de Raymond de Puybusque (8 mars 1460), reprise en 1554 par Arnaud de Saint-Jean, seigneur de Mons, et enfin vers 1709 lors du procès des Chartreux3 contre les consuls de Mons.

1 A cette époque, les différentes orientations étaient indiquées par les vents : auta, midy, bize, aquilon, repectivement : est, sud, ouest, nord. Pour les surfaces, dans les cantons de Verfeil et de Toulouse,
1 arpent = 5690 m2, 1 pugnere = 1/4 d’arpent, 1 boisseau = 1/8 de pugnere.

2 Couleur Lauragais n° 60, mars 2004

3 Le 7 octobre 1617, la seigneurie de Mons est vendue par Jean-Paul de Saint-Jean à la Chartreuse de Toulouse.


     Ledit truilhe procureur “dudit” Sindic de La Chartreuse assisté …. au lieu de Mons et au devant la maison sive (ou) tour en partie de terre en partie de murailhe vielle et ruineuse environné de fossés et autrefois de pon t l evis… moulin a vent, et moulin pastelier mentionnés aux huitième article du dénombrement.



     Item et le dit moulin pastelier pourroit s’arranter chacun an cinq cent coces pastel et de la faut rebatre les charges comme tenir couvert le dit moulin et garny de clèdes, faire acoutrer la molle soustre de la dite molle

Quelques explications : le moulin pastelier “des chartreux” ne servait pas uniquement à la production de leur fief (celui des Puybusque et St Jean) mais aussi à d'autres producteurs qui le louaient au prix de 500 coques de pastel par an. Evidemment le propriétaire du moulin devait l'entretenir, le couvrir, remplacer les clèdes du séchoir et retailler les meules, etc ...


Le moulin pastelier de Gilède :

     Un autre moulin pastelier était situé à Gilède, propriété alors, en 1659, de Sieur Pierre Louis De Carrière, conseiller du Roy à Toulouse. (arpentement du 24 mai 1659).




          Plus au mesme lieu tient une maison en pézain Molin
          pastelsier pigonier jardin verger tout joignant……..
          ………………………………aquilon la rue quy va de Dremil a Montz…………
                                        Réf. Compois de 1666, terres de M. De Carrière, article 16, ADHG
     
     Ce moulin pastelier est à nouveau signalé dans la reconnaissance de 1718 faîte par Mademoiselle De La Rue, épouse de sieur Laffon, propriétaire, qui aurait succédé en ce lieu à Sieur De Carrière. Les propriétaires suivants de ce domaine seront Antoine-Marie De Gilède, puis Joseph De Caffarelli.



     Sur le plan de Mons ci-dessus réalisé vers 1780-1790, vue concernant Gilède, on pourrait supposer que le moulin pastelier est dessiné sur la parcelle n°26, à sa droite de l’autre côté du « nouveau chemin » se situerait le pigeonnier signalé sur le texte de 1666.

Le moulin pastelier de Dubourg de Lapeyrouse :

     Enfin un 3ème moulin pastelier appartenant à M. Léonard DuBourg De Lapeyrouse qui habitait très certainement le domaine appelé aujourd’hui Trinchant. Encore aujourd’hui, entre le ruisseau du Roussel et le lieu-dit Favarel, il y a un champ nommé « plaine de Lapeyrouse ». Ci-dessous un texte extrait du cahier des reconnaissances de 1659 du couvent de la Grande Chartreuse de Toulouse concernant ses terres de Mons.



     Noble Leonard Dubourg seigneur De La Peyrouse maison bastie de brique à haut estage avec ses
granges et estables moulin pastelier ensemble une pièce de terre jardin et verger le tout contigu et
situe au terroir appelle dans les anciennes reconnaissances et à present aux Montels contenant …
confront dauta la rue publique et le riu de Russel de midy la dite rue et le yeis …

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     De nombreux châteaux du Lauragais datent de cet âge d’or du pastel, donc du XVème et XVIème siècles (Couleur Lauragais n° 34, juillet-août 2001). Les châteaux de Mons, de Clairac, de Mondouzil sont avérés plus anciens. Par contre deux autres châteaux (Varennes et Mauremont, tous deux prés de Baziège) appartenant au même Puybusque, seigneur de Mons, furent restaurés grâce au commerce du pastel.

     Une renaissance passagère de la culture du pastel a eu lieu sous Napolèon, de 1810 à 1814, pour teindre les uniformes de la Grande Armée. Suite au blocus continental contre l’Angleterre, l’indigo était devenu rare et hors de prix.

     Vers 1994, un renouveau de la culture et de l’utilisation du pastel s’est développé à Lectoure (Gers) avec l’entreprise « Le Bleu de Lectoure ». Cette entreprise a même ouvert un magasin pour commercialiser ses produits Rue de la Bourse à Toulouse « La Fleurée de Lectoure ».


Il est possible de découvrir aujourd’hui de nombreuses informations et techniques retraçant l’histoire de cette production locale au musée de Magrin, prés de Puylaurens (81).

Les preuves du pastel aujourd’hui :


     Le bleu charron avait plusieurs propriétés, il contribuerait à une meilleure conservation du bois, par ailleurs le bleu aurait la propriété de « chasser » les mouches. Aujourd’hui le bleu charron est plutôt réalisé avec d’autres colorants.


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